Blaise COMPAORÉ A PROPOS DE LA SITUATION AU MALI :
" J e pense que le problème est à BAMAKO "
Baise Compaoré : On peut regretter que malgré l’engagement et la détermination de la communauté internationale et bien sûr la grande disponibilité de la CEDEAO, nous constatons que le processus de sortie de crise au Mali est en manque de souffle. Cela, parce que, d’une part, à cause de la fragilité des institutions républicaines à Bamako et d’autre part, il n’y a pas un engagement très ferme pour aller au dialogue politique. Sans oublier qu’il y a la difficulté pour la CEDEAO et le Mali à s’accorder sur le dispositif militaire à mettre en place.
France 24 : Le Mali, par l’intermédiaire de son président par intérim, Diocounda Traoré, a
officiellement demandé l’aide militaire de la CEDEAO, mais de façon très limitée que ce soit pour le nombre de troupes, mais aussi géographiquement. La CEDEAO peut-il intervenir
dans ces conditions ?
Blaise Compaoré : C’est vrai qu’il y a eu la requête, mais les conditions qui
accompagnent cette requête font qu’il est impossible pour la CEDEAO, aujourd’hui, d’être de façon efficace, sur le terrain. Ce qui fait que les discussions continuent avec les
autorités maliennes.
France 24 : Il n’y aura pas pour le moment de nouvelle demande d’une résolution du conseil
de sécurité des Nations unies parce qu’en gros, c’est impossible ?
Blaise Compaoré : Pour le moment, il va falloir attendre que les deux parties : la
CEDEAO et le Mali puissent s’accorder sur un dispositif avant que cela soit apprécié correctement.
France 24 : Est-ce que c’est au sein de la CEDEAO que certains Etats sont moins
volontaires pour envoyer des soldats ou est-ce que le problème est à Bamako ?
Blaise Compaoré : Je pense que, pour l’instant, le problème est à Bamako, parce que
Bamako voudrait avoir les troupes de la CEDEAO, mais il ne souhaite pas les avoir dans le Sud du pays. Ce qui est impossible pour la CEDEAO d’être efficace si elle n’a pas
d’aéroport, d’antenne médicale et de transmission dans cette région. Si elle n’a pas aussi un dispositif qui permet d’éviter que les mouvements armés, par des infiltrations,
puissent déstabiliser Bamako, où il y a des ambassades des pays qui vont s’engager et aussi la représentation de la CEDEAO. Tout cela fait que la CEDEAO veut intervenir, mais en
tant que partie malienne.
France 24 : Où est le blocage à Bamako ? Est-ce le capitaine Sanogo, le Premier ministre
ou le président de la transition ?
Blaise Compaoré : C’est probablement parce qu’il manque un leader actuellement dans ce
processus du côté du Mali.
France 24 : Vous êtes aussi en contact avec les forces qui contrôlent le Nord du Mali.
Ici, on les considère en Occident comme des fous de Dieu, des terroristes fanatiques. Vous leur parlez, ça ne plait pas à tout le monde dans la région. Est-ce que ce sont des gens
avec qui on doit discuter ou non ?
Blaise Compaoré : Nous partons d’un principe. Il y a des Maliens qui demandent
l’indépendance. Il y a des Maliens qui veulent faire la charia dans tout le Mali. Comme un peu partout ailleurs, je veux dire qu’il y a des Corses qui demandent l’indépendance, mais
on ne les attaque pas. Il y a des Québécois qui demandent l’indépendance, on ne les attaque pas non plus. On discute d’abord pour voir si on peut les intégrer dans la république. Si
on peut limiter ces revendications qui sont extrêmes et parfois extrémistes. C’est lorsque le dialogue politique échoue que l’on peut imaginer d’entreprendre des actions de fermeté.
Sinon, nous savons qu’il y a d’autres groupes pour lesquels nous pensons qu’il faut avoir des attitudes de fermeté. Les groupes Ansar dine et le Mouvement national de libération de
l’Azawad (MNLA) avec qui nous avons eu des contacts sont des Maliens qui demandent à la fois l’indépendance ou la charia.
France 24 : Ansar dine est un groupe avec qui on doit discuter ?
Blaise Compaoré : Nous avons eu des contacts et nous pensons qu’en discutant avec eux,
on peut arriver à les faire comprendre que nous sommes dans un monde où on ne prend pas les armes pour obliger les hommes et les femmes comme au moyen âge.
France 24 : Est-ce que vous diriez que Ansar dine est plus prêt à dialoguer que le pouvoir
Bamako ?
Blaise Compaoré : Pour l’instant, ils ont envoyé une délégation pour discuter avec
nous. Ils ont reçu mes envoyés. Mais nous attendons toujours d’avoir une structure du gouvernement chargée des négociations parce nous n’en avons pas encore reçu.
France 24 : Si je comprends bien, des groupes qui contrôlent le Nord du Mali, An sardine
est plus prêt et plus structurer à dialoguer que le pouvoir à Bamako ?
Blaise Compaoré : An-sardine l’a annoncé la dernière fois. J’y ai envoyé mon ministre
des Affaires étrangères et Iyad Aghali a dit qu’il acceptait la médiation. Il a même dit qu’ il soutien la médiation du Burkina Faso. Cela veut dire qu’il y a une disponibilité plus
forte.
France 24 : Mais, comment vous pouvez à la fois négocier avec eux et pousser une
intervention militaire de la CEDEAO à laquelle le Burkina Faso est prêt à participer avec des armes ?
Blaise Compaoré : Même en discutant avec eux, je leur dit que l’indépendance ne
marchera pas. Il y a beaucoup de composantes de la population au Nord Mali qui sont contre l’indépendance. Je leur dit que ce sera alors difficile pour eux. Avec An -sardine, je leur aie dit qu’au 9e et 10e siècle, on pouvait prendre des armes pour obliger quelqu’un à prier dans un sens ou l’autre, mais au
21e siècle, ce n’est pas possible. Le Mali, la région, le Burkina Faso seront contre. Il faut que nous discutions sur d’autres bases. Voilà les questions que nous évoquons avec
eux.
France 24 : Patientez-vous que quelque chose de structurer se mette en place à
Bamako ? Ou est-ce que vous vous fixer une limite pour leur dire que vous ne pouvez plus attendre ?
Blaise Compaoré : Je pense que suite à la réunion des chefs d’état-major de la zone
ouest africaine, la CEDEAO va se retrouver pour apprécier et voir dans quel sens il faut aller. Dans la mesure où nous savons que ce n’est pas la sécurité du Mali qui est engagée,
mais celle de l’ensemble de la zone. Le Burkina Faso a 1200 km de frontière avec le Mali et la moitié est une frontière dite Azawad aujourd’hui. Comprenez que même pour nous et les
autres voisins, c’est une préoccupation.
France 24 : On parle souvent de sahelistan, d’africanisthan, en disant que ce sont les
conséquences de l’intervention occidentale en Libye. Est-ce que vous êtes d’accord avec ces analyses ? A quel point cela menace-t-il votre pays ?
Blaise Compaoré : Ces menaces ont commencé bien avant l’intervention en Libye. Il y a
une dizaine d’année que nous avons ce phénomène d’insécurité liée à ces groupuscules dans le Sahara, autour de prise d’otages et de trafics divers.
France 24 : Mais est-ce que les choses ne se sont pas empirées après
l’intervention ?
Blaise Compaoré
: Il est vrai qu’après le démantèlement de l’arsenal militaire en Libye, il y a eu des mouvements qui ont transporté un certain nombre de matériel pour renforcer le
dispositif de ces mouvements armés.
France 24 : Avez-vous des preuves que les quatre otages français enlevés il y a deux ans
sont en vie récemment ?
Blaise Compaoré : Les preuves de vie sont ce que nous recevons aussi comme message de
la part de ces milieux qu’ils sont bien en vie. Nous n’avons pas engagé de négociations avec eux. Nous attendons, qu’avec les autorités françaises, nous puissions voir ensemble,
comment nous allons faire au mieux cette question de négociation.
France 24 : On a beaucoup parlé, ces derniers temps, de présence de forces spéciales
françaises sur votre territoire, d’opération américaine un peut sécrète pour des vols de reconnaissances. Pourquoi le Burkina Faso ouvre ses portes à la présence occidentale
?
Blaise Compaoré : Nous travaillons avec les occidentaux depuis des décennies. Le monde
est ainsi fait et par exemple, la France coopère avec le Qatar. Vous êtes partout dans le monde. La France et le Burkina entretiennent des relations beaucoup plus anciennes que
certains Etats. Il y a les mêmes niveaux de coopérations avec les Etats-Unis. Nous partageons des valeurs et nous pensons que nous pouvons partager, à la fois des informations et
avoir avec eux de l’assistance en matière de formation. Nous n’avons pas d’engagements, ni avec la France, ni avec les Etats-Unis, pour des opérations militaires pour
l’instant.
France 24 : Vous dites pour l’instant. Est-ce à dire que c’est quelque chose qui peut
arriver ?
Blaise Compaoré : Comme
partout, dans le monde, ces rapports peuvent conduire à des niveaux un peu plus élevé en fonction de la disponibilité des uns et des autres.
Propos retranscris par Steve OBORABASSI, pour la Voix du Peuple
«Un dictateur n'a pas de concurrent à sa taille tant que le peuple ne relève pas le défi »
Pour une République Juste & Démocratique, Vous trompez le Peuple Nous dénonçons