Le Congo-Brazzaville est dans une tourmente politique, sociale, économique, sanitaire et culturelle. Une situation qui désespère le peuple congolais en proie à l’une des dictatures les plus féroces de ce monde. Quoi qu’il en soit, nous ne ménagerons pas nos efforts afin de retrouver notre liberté et notre dignité.
Ce personnage bien que sulfureux ne pourrait être tenu pour seul responsable du malheur du peuple congolais. Mais, il en est en grande partie l’artisan indéniable.
Celui qui dirige notre pays depuis 36 années cumulées en 60 ans d’indépendance porte en lui la plus grande responsabilité de la déliquescence du tissu social congolais. D’un plan savamment orchestré avec ses comparses, il commence par détruire le tissu éducatif. Avec un taux d’alphabétisation proche de 100% dans les années 60 et 70, voilà maintenant que le Congo-Brazzaville se trouve à l’arrière du peloton.
L’Université de Brazzaville puis Université Marien Ngouabi, autrefois fierté des Congolais, est devenu un mouroir intellectuel dont plus personne ne veut entendre parler ni y étudier dans le monde. Cette université ne fait même pas partie du classement des 200 meilleures universités d’Afrique. Les Congolais prévoyants sont obligés de s’exiler dans d’autres pays d’Afrique pour avoir des connaissances et une qualification dignes de ce que l’on attend des standards internationaux.
L’image de l’INSSA (Institut Supérieur des Sciences de la Santé) est la preuve vivante de ce massacre. Autrefois l’un des fleurons en matière de formation dans les sciences de la santé, cet institut a perdu au fil du temps de sa superbe. Le feu Professeur Comlan Alfred A. Quenum, ancien Directeur régional de l’OMS pour l’Afrique, dont il faut rappeler ici la contribution non négligeable dans le rayonnement de l’INSSA, avait permis que nous bénéficiions d’enseignants de qualité notamment en histologie-embryologie et autres matières.
Comment ne pas s’étonner qu’ayant le siège de la direction régionale de l’OMS Afrique dans notre pays que celui-ci affiche des taux affolants en termes de mortalité ? Nous n’arrivons même plus à capitaliser sur la présence du siège de la direction régionale de l’OMS pour l’Afrique à Brazzaville qui compte des femmes et des hommes de talent non négligeable. Nous ne jetons pas l’opprobre sur le personnel enseignant congolais. Mais il est par ailleurs vrai qu’un réel partenariat avec l’OMS Afrique à domicile aurait permis que nous soyons l’un des atouts de référence dans la formation des sciences de la santé, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, à notre grand regret.
Nous ne pouvons aborder le problème du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Brazzaville sans souligner l'erreur commise au départ par les politiques et les professeurs de médecine d’antan qui avaient fait le choix de transformer l'hôpital général de Brazzaville en un CHU ; décision que nous payons jusqu’à ce jour. Nous avons raté l’opportunité de construire un nouveau CHU alors que nous en avions la possibilité et les moyens à l’époque. Le péché originel vient de là, car le CHU a hérité de tous les maux de l'ancienne structure : absence de politique réfléchie inhérente au fonctionnement d’un CHU, plateau technique inadéquat, mauvaise gestion financière, recrutements anarchiques et irréfléchis, formations insuffisantes du personnel médical et paramédical, absence de circuit du médicament, absence de service de maintenance du matériel et des locaux, équipement médical obsolète, etc. La construction d'un nouveau CHU aurait permis de se mettre aux nouvelles normes internationales à tout point de vue et de démarrer sur de nouvelles bases. L’adage qui dit que l’on ne peut faire du neuf avec du vieux se vérifie aisément.
Le délabrement de la formation du personnel soignant médical et paramédical a abouti inextricablement à la décomposition du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Brazzaville censé assurer des soins de qualité. Quant à la recherche médicale mieux vaut ne pas en parler car inexistante.
La discussion sur l’état actuel du CHU de Brazzaville est à l’image de la politique chaotique sans boussole ni gouvernail que mène monsieur Sassou Nguesso depuis 36 années cumulées. Si après 60 ans d’indépendance il faille faire appel à un directeur canadien pour remettre à flot le CHU de Brazzaville, cela dénote de l’absence de vision en matière de santé de cet exécutif. La seule question qu’il faudrait se poser est celle de savoir s’il ne nous faut pas un exécutif canadien avec un Président de la république et des ministres canadiens pour sortir le Congo-Brazzaville de ce bourbier ? J’entends d’ici certains évoquer la souveraineté nationale qui confère à ceux ayant conquis le pouvoir par les armes, le droit de gérer comme bon leur semble les biens et les deniers publics de la république, notre bien commun.
Champion du monde des slogans creux, le Congo-Brazzaville n’a pas su innover au fil du temps. « De l’homme qu’il faut à la place qu’il faut », nous sommes passés à « L’homme de ma tribu à la place qu’il ne mérite pas. » Cette erreur de recrutement est une plaie béante à l’origine de nombreux de nos malheurs. Comme une génération spontanée, seuls les compatriotes Mbochis, ressortissants du Nord du Congo-Brazzaville proches de monsieur Sassou Nguesso, sont aptes à être des Ministres régaliens, des Généraux, des Directeurs généraux, des Préfets et même des Commis, ceux que nous appelons des Plantons. La mbochisation à outrance de l’administration publique est synonyme d’un mal être dans notre pays.
Après avoir compris très tôt qu’arithmétiquement le Nord du pays, du fait de sa faible densité de population ne pouvait prétendre à la magistrature suprême par les urnes, l’on passa aux armes. Dorénavant, seuls les cadres Mbochis sont promus tous azimuts sans penser aux autres compatriotes tous aussi brillants.
N’ayant jamais perçu la quintessence de la fonction de Président de la république, Chef de l’État, monsieur Sassou Nguesso est réduit à diriger le pays comme son village Oyo qui aujourd’hui se dispute le titre de la capitale administrative avec Brazzaville qui n’est plus relégué qu’à un rang de ville dortoir.
La situation du CHU de Brazzaville est un problème de gouvernance politique qui ne peut être du seul ressort des professionnels de la santé. Le comble dans cette histoire c’est que ce sont les mêmes professionnels de santé qui encensent à longueur de journée leur bourreau monsieur Sassou Nguesso, premier responsable devant la nation de cet état de fait ; C’est le syndrome de Stockholm. Les professionnels de santé congolais ne brillent que par leur allégeance au pouvoir politique. Alors pourquoi s’étonner de la qualité de l’ouvrage quand les hommes politiques ont déteint sur les professionnels de santé ? C’est l’avilissement de certains intellectuels congolais, qui au lieu de dénoncer le mal qui gangrène la société, s’acoquinent avec le pouvoir répressif pour leurs propres intérêts.
Nous pouvons avoir le meilleur projet du monde avec toutes les ressources (humaine, matérielle et financière), mais sans volonté politique ce dernier est voué à l’échec. Monsieur Sassou Nguesso dont la question du CHU de Brazzaville est loin de ses préoccupations, se fait soigner ainsi que toute sa famille, ses privilégiés et ses courtisans à l’extérieur du Congo-Brazzaville. Les évacuations sanitaires qui coûtent beaucoup d’argent aux contribuables congolais sont devenues la norme, appauvrissant encore un peu plus un système de santé déjà très faible.
Avoir payé à prix d’or un directeur canadien pour mettre en place le circuit du médicament au CHU de Brazzaville est l’illustration même de la faillite du système. Il est temps de poser les vrais questions sur les problèmes qui impactent le fonctionnement du CHU de Brazzaville et cela passe par le départ de cette organisation qui gangrène notre pays avec une gestion hasardeuse de la chose publique.
Le CHU de Brazzaville est malade depuis 36 ans et c’est la marque de fabrique de ceux qui prennent le pouvoir par les armes. Dans ce contexte, les intérêts personnels prennent le pas sur l’intérêt collectif. Les mêmes maux produisant les mêmes conséquences, il est plus que temps de changer le logiciel. Le challenge est difficile mais il est de notre devoir de le relever afin de ne pas trahir notre mission vis-à-vis de notre peuple.
Par ailleurs pointe à l’horizon la renégociation de la gestion du terminal pétrolier de Djéno entre le pétrolier français Total et le gouvernement congolais. C’est notre indépendance économique qui est en train de se jouer et cette gestion doit revenir aux Congolais pour que nous soyons en mesure d’évaluer notre production pétrolière. Nombreux courtisans du pouvoir actuel considèrent et pensent que monsieur Sassou Nguesso doit céder au pétrolier français Total pour la survie de son pouvoir. Le peuple congolais doit rester vigilant d’ici début octobre 2020.
Les dirigeants de l’opposition congolaise sont atones, aphones et amorphes sur ce sujet tant brûlant de l’actualité congolaise. Certains opposants versatiles et non des moindres sont déjà sur les starting-blocks pour se lancer dans la prochaine élection présidentielle de 2021 perdue d’avance tant monsieur Sassou Nguesso n’organise pas des élections pour les perdre. Il serait temps pour ces dirigeants de cesser de penser seulement aux prochaines élections, mais d’avoir avant tout une pensée pour les nombreuses générations déjà sacrifiées et les prochaines dans le but de bâtir une société plus équitable.
La rançon exigée par monsieur Sassou Nguesso à Total pour la renégociation du contrat du terminal pétrolier de Djéno ne fera que cautionner la mauvaise gestion des affaires publiques au Congo-Brazzaville. Total deviendra de facto le bailleur de fonds, le soutien malgré lui de la campagne présidentielle du candidat Sassou Nguesso pour la mascarade de l’élection présidentielle de 2021.
Le pétrolier français Total exige un contrat de 50 ans quand les réserves pétrolières en République du Congo évaluées par ce dernier ne sont soi-disant que de 10 à 15 ans d’exploitation. Encore une entourloupe, un contrat léonin qui se prépare au détriment du peuple congolais qui n’a plus que la peau sur les os.
C’est un Sage chinois qui disait : « Pour détruire un pays, Il suffit de lui détruire son système d'éducation et d'y généraliser la corruption… »
Nous y sommes.
.Patrice Aimé Césaire MIAKASSISSA