5. A propos de la nomination d’un soi-disant chef de l’opposition congolaise
Nous l’avons dit et répété mille fois : l’opposition congolaise est plurielle. Elle comprend quatre (4) tendances principales : l’opposition alimentaire, l’opposition entriste, l’opposition identitaire, l’opposition réelle. Ces quatre (4) tendances n’ont pas les mêmes positions sur les grands problèmes du Congo et ne visent pas les mêmes objectifs politiques. Dans ces conditions, il ne peut en aucune manière avoir un chef unique de l’opposition.
En tout état de cause, pour le Collectif des partis de l’opposition congolaise, le soi-disant chef actuel de l’opposition est un collabo. Il ne représente que lui-même et ne saurait aucunement porter la parole du Collectif des partis de l’opposition congolaise. En effet, sur toute la ligne, ses positions politiques sont aux antipodes de celles du Collectif. Nous le récusons en tant que chef unique de l’ensemble de l’opposition congolaise, d’abord du fait de l’illégitimité de sa nomination, et ensuite et surtout, en raison de ses positions opportunistes et collaborationnistes.
6. l’exacerbation des contradictions au sein du clan régnant
L’affaire dite du coup d’Etat présumé de Dabira a étalé au grand jour l’exacerbation des contradictions au sein du clan régnant. Chaque partie au conflit présente sa propre version des faits, à telle enseigne que les Congolais ne savent pas qui croire dans cet imbroglio. Pour sa gouverne, le Collectif interpelle le président de la République, afin qu’il dise au peuple ce qu’il en est du coup d’Etat présumé de Dabira, car, la guerre des clans qui déchire actuellement le pouvoir est lourde de conséquences pour le pays tout entier. Le peuple congolais ne veut plus revivre l’expérience douloureuse des années antérieures, expérience faite de déchirements au sein du pouvoir, de vrais ou faux coups d’Etat de palais, avec des conséquences désastreuses pour de nombreux innocents et pour le peuple.
7. Le point de vue du Collectif sur l’accord à conclure avec le FMI
Suite au sommet des chefs d’Etat de la CEMAC, tenu à Yaoundé au Cameroun, le 23 décembre 2016, sur la situation économique et monétaire de la sous-région, avec la participation de madame Christine LAGARDE, Directrice générale du FMI et de monsieur
Michel SAPIN, à l’époque ministre français des Finances, cinq délégations du FMI sont venues au Congo pour examiner sa situation macroéconomique et financière, afin de déterminer quel type d’aide lui apporter dans le cadre d’un programme approprié.
Malgré ces cinq missions successives, la conclusion n’est pas encore intervenue, parce que la situation constatée sur le terrain par le FMI est de loin plus catastrophique que celle angélique, présentée par les autorités congolaises. Pour le FMI, la situation macroéconomique du Congo est marquée par :
- une croissance économique fortement négative avec – 4,63% en 2017 ;
– une dette absolument insoutenable, représentant au moins 117% du PIB, mais en
réalité beaucoup plus que cela, parce que, d’une part, une bonne partie de la dette
publique demeure encore cachée, et d’autre part, la dette intérieure n’est pas prise en
compte dans les calculs actuels ;
– un déséquilibre budgétaire abyssal atteignant 18% du PIB, au lieu de 3% au maximum
(la norme édictée par la CEMAC) ;
– une inflation galopante oscillant entre 4 et 12% suivant les marchés ;
– un épuisement quasi-total des réserves internationales de change qui déséquilibre
dangereusement la position extérieure de l’ensemble de la zone CEMAC (le Congo
n’arrive même pas à réunir le minimum de réserves de change pour trois mois
d’importation) ;
– une absence totale de transparence financière ;
– une corruption dantesque à tous les étages ;
– l’incapacité du gouvernement à faire face aux charges fondamentales de la vie des
Congolais.
A partir de ce constat amer, le programme à conclure avec le FMI doit viser à corriger ces déséquilibres structurels, à retraiter l’insoutenable dette publique pour la ramener à au moins 25% du PIB, voire à 20% comme en 2010 et à garantir aux populations un niveau de vie décent. C’est donc un programme d’ajustement, avec retraitement de l’énorme dette publique qui s’impose dans le cadre d’un accord avec la communauté financière internationale, aux fins de sortir le Congo de la grave crise globale qui le mine.
Cela passe obligatoirement par la prise immédiate de mesures fortes de réduction drastique du train de vie de l’Etat (avec un abaissement significatif des rémunérations faramineuses allouées aux hauts responsables de l’Etat, aux parlementaires, aux dirigeants des entreprises publiques et des administrations centrales ; la suppression des salaires fonctionnels payés indûment aux responsables des organes dirigeants du PCT), de lutte sans concession contre la corruption, les détournements des deniers publics, l’impunité et la pauvreté, le rapatriement au Congo de l’argent public logé dans des comptes privés et placé dans les paradis fiscaux, l’arrêt des emprunts gagés sur le pétrole, la réalisation des audits sur la gouvernance et sur la corruption, le paiement régulier des salaires de tous les fonctionnaires, des pensions de tous les retraités, des bourses de tous les étudiants congolais au Congo et à l’étranger, etc.
Le gouvernement congolais actuel n’est pas en mesure tout seul, de mettre en oeuvre cette vaste réforme. Les mesures courageuses proposées supra nécessitent un consensus de toutes les forces vives de la nation, consensus qui n’est possible que dans le cadre d’un dialogue national inclusif, pour construire un compromis politique dynamique 10
entre le pouvoir et l’opposition et promouvoir la réconciliation nationale et une gouvernance vertueuse, démocratique, rationnelle, transparente, sociale et participative.
Dans cette direction, le Collectif des partis de l’opposition congolaise invite le FMI à
accentuer la pression sur le gouvernement congolais, en vue de la construction d’un
consensus national, préalable à la réussite de tout programme à mettre en place.
8. Le budget de l’Etat exercice 2018
Le budget est pour tout Etat un instrument essentiel. Dans un pays gravement en crise comme le nôtre, il doit viser à rétablir les équilibres rompus à travers la mise en oeuvre des actions et mesures fortes, en dessinant le cap d’une gouvernance dynamique, transparente et porteuse.
D’entrée de jeu, il sied de signaler que le budget de l’Etat exercice 2018 intervient à la suite d’un exercice qui s’est soldé par un large repli avec un taux de croissance négatif de – 4,63%
et un déficit budgétaire de 18% de PIB contre 3% admis dans la zone CEMAC.
Les chiffres arrêtés pour le budget 2018 ne donnent pas suffisamment d’éclairage sur les hypothèses de
base d’élaboration, malgré les estimations projetées par la dernière mission du FMI :
– la production pétrolière prévue en 2018 à 117 millions de barils ;
– la décote estimée à 2,5 dollars, le baril en 2018 ;
– le prix du baril estimé à 60 dollars en 2018, soit 57,5 dollars le baril pour le pétrole
congolais.
Les chiffres du budget 2018 se déclinent ainsi qu’il suit (en milliards de FCFA) :
Rubriques Exercice 2016 ** Exercice 2017** Budget 2018 ** Charges mensuelles de personnel
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Recette totales 3608,73 § 2729,33 § 1602,19
dont recettes fiscales 1016,52 § 1014,652 § 754,600
pétrole 614,69 § 475,87 § 749,200
==========================================================================
Charges totales dont 3608,73 § 2729,33 § 1602,190
Charges financières 22,625 § 27,600 § 146,000
==========================================================================
Personnel 410,120 § 451,100 § 364,500 34,2 § 37,591 § 30,375
==========================================================================
Fonctionnement 301,565 § 289,997 § 172,300
courant
=========================================================================
Investissements 1349,866 § 978,420 § 264,00
==========================================================================
Déficit – 298,249 § – 426,582 § - 219,000
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Les différentes évolutions qui apparaissent sont difficilement cernables. Elles masquent mal une volonté de camouflage de certaines réalités. L’accroissement des recettes pétrolières est à revoir au moment où la production est prévue en forte augmentation (117 millions de barils avec des hypothèses de base convenables telles que reprises plus haut) mérite qu’on regarde sérieusement la nouvelle mécanique mise en oeuvre, + 21,88% par rapport à 2016, + 57,44%par rapport à 2017 malgré la contraction de la production en ces deux années. Mais les hypothèses de base de ces années expliquent pour une large part cette évolution : une décote de 6 dollars au lieu de 2,5 dollars par baril, et surtout cette fameuse précaution de 10 dollars par baril, toutes choses qui ont ramené le prix du pétrole congolais à 35 dollars, le baril en 2017. Par ailleurs, combien de cargaisons sont prévues à la vente et pour quel tonnage ?
On comprend dès lors que c’est sous l’effet de la pression du FMI que le pouvoir a été amené à abandonner la fausse décote de 6 dollars et la fumeuse précaution de 10 dollars. Ceci laisse supposer clairement un grand détournement de fonds publics par ce biais. Les frais de personnel qui apparaissent hors transfert à 34,2 milliards par mois en 2016, à 37,53 milliards en 2017 et comme par enchantement à 30,375 milliards de FCFA en 2018, constituent un problème préoccupant. Nous rappelons que jusqu’en 2002, les charges de personnel hors transfert avoisinaient les 10 milliards de FCFA par mois. D’où vient la forte augmentation qui persiste jusqu’en 2018, malgré une légère contraction ?
La réponse est aisée : il s’agit des nombreux miliciens du pouvoir, des supplétifs de l’armée et de la police, des fictifs de la présidence de la République, des membres du bureau politique etautres dirigeants du PCT qui émargent au Trésor public bien que n’exerçant aucune fonction dans l’Etat. On se croirait au temps du monopartisme où le parti au pouvoir se confondait
avec l’Etat. On note par ailleurs quelque chose de curieux au niveau de l’affectation par poste du budget, notamment en ce qui concerne la présidence de la République, la primature, le Sénat et l’Assemblée nationale.
Les fonds politiques de ces différentes institutions n’apparaissent nulle part dans le budget.
Pourtant, on sait qu’ils sont importants, voire exorbitants. Par exemple, pour la présidence de la République, ils avoisineraient les 150 milliards de FCFA par an, de 2010 à 2017, contre 2,5 milliards jusqu’en 2002. Dans le même ordre d’idées, la privatisation de la SNE et de la SNDE, symbole même de l’échec cuisant de la politique du pouvoir, n’est pas prise en compte
dans le budget 2018. Quelles sont les sociétés privées acquéreuses des deux anciennes entreprises publiques ? A combien les ont-elles achetées ? Où est passé l’argent de leur privatisation ? Le gouvernement a-t-il cédé ces deux sociétés gratuitement à la famille régnante ?
Pour tout dire, le budget de l’Etat exercice 2018 ne propose aucune mesure susceptible d’aider à la sortie de la crise multidimensionnelle qui bloque le Congo aujourd’hui.
En guise de conclusion,
Le discours sur l’état de la nation en 2017, délivré par le président de la République le 30 décembre, est une occasion ratée. Mais, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Le président de la République doit choisir entre d’une part, l’intérêt du peuple et du pays dont il a la charge, et d’autre part, les intérêts partisans et égoïstes de son camp politique. Il doit choisir entre d’une part, la démocratie, l’Etat de droit et la bonne gouvernance, et d’autre part, un Etat policier, fait de privilèges, de passe-droits, d’inégalités et d’injustices sociales, d’impunité.
Jamais de mémoire de Congolais, une crise n’a été aussi profonde ; jamais le pays n’a eu autant besoin d’hommes capables de dépassement de soi et de désintéressement, uniquement préoccupés par l’intérêt général et la cause du peuple. Il appartient au
président de la République de faire le bon choix, d’entendre la voix de la sagesse et de la raison, en convoquant sans délai le dialogue national inclusif, en vue de construire un compromis politique qui permette au Congo de sortir de l’impasse actuelle.
Fait à Brazzaville, le 03 mars 2018
Pour le Collectif
Le Collège des présidents